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Premier bilan de la loi Sas sur les nouveaux indicateurs de richesse

by Rupert Schiessl

#IA

L’enjeu était de dégager dix thèmes principaux et de trouver des indicateurs pertinents, dont les données sont disponibles, ayant pour vocation une stabilité dans le temps et permettant une comparaison européenne et internationale...

Nous avons assisté pour vous au premier bilan de la loi, dite loi Sas puisque proposée par la députée de l’Essonne Mme Éva Sas, visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques.

Cette table-ronde a eu lieu à l’Assemblée nationale, le lundi 14 mars 2016 en présence de Mme Eva Sas, avec la participation de Vincent Aussilloux, chef du département Économie-Finances de France Stratégie, Florence Jany-Catrice, professeure à l’Université de Lille1, Philippe Le Clezio, membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE) de 2010 à 2015 et Monique Rabin, députée de Loire-Atlantique. L’échange a été animé par Philippe Frémeaux, délégué général de l’Institut pour le développement de l’information économique et sociale (Idies).

De gauche à droite : Eva Sas, Philippe Frémeaux, Vincent Aussilloux, Florence Jany-Catrice, Monique Rabin et Philippe Le Clezio

Cet événement a été organisé par l'Idies, l'Institut Veblen, le forum pour d'autres indicateurs de richesse (FAIR) et la fondation de l'écologie politique (FEP), avec le soutien de Alternatives Economiques.

Cette table-ronde a permis de revenir sur les indicateurs qui ont été proposés au gouvernement et finalement retenus pour l’évaluation des politiques publiques et faire un premier bilan, près d’un an après l’adoption de cette loi.

** Une loi pour aller au-delà du PIB dans l’évaluation des politiques publiques **

Historiquement, le produit intérieur brut (PIB) a été considéré comme le principal indicateur de progrès économique et social ; cette domination est pourtant aujourd’hui remise en cause : la croissance économique n’est plus un objectif aussi consensuel qu’au moment de l’invention du PIB, dans les années 30.

Dans une relative confidentialité, une petite révolution a eu lieu l’année dernière avec l’adoption de la loi Sas le 13 avril 2015. Pour rappel, cette loi stipule que le gouvernement doit remettre chaque année une évaluation des principales réformes engagées selon de nouveaux indicateurs de richesse.

Cette loi, qui comporte un seul article, reste large et inclusive : elle ne propose pas de référentiel d’indicateurs. Toutefois, le gouvernement produit un rapport, grâce aux propositions de France Stratégie qui retiennent dix indicateurs.

** Retour sur le processus de choix des indicateurs proposés **

Le cadre fixé par Mme Sas était l’élaboration de dix indicateurs couvrant les trois piliers du développement durable que sont les aspects économique, social et environnemental. L’enjeu était alors de dégager dix thèmes principaux et de trouver des indicateurs pertinents, dont les données sont disponibles, ayant pour vocation une stabilité dans le temps et permettant une comparaison européenne et internationale.

M. Le Clézio a toutefois fait remarquer que l’élaboration de ces indicateurs est une initiative de France Stratégie, dont s’est saisie le Conseil économique, social et environnemental sans savoir en premier lieu que ceux-ci seraient proposés au gouvernement dans le cadre de la loi Sas.

Le processus de choix et de définition de ces indicateurs a duré six mois, au cours desquels se sont succédées plusieurs étapes dont l’élaboration d’une première base d’indicateurs par France Stratégie avec la participation de nombreux experts d’horizons divers (syndicats patronaux, de salariés, CESE, spécialistes de stratégie publique…), puis un sondage en ligne auprès d’environ dix mille français, la consultation d’un panel représentatif des français d’environ un millier de citoyens et enfin un débat citoyen mené par une quarantaine de personnes non sensibilisées aux thématiques abordées.

Mme Jany-Catrice a regretté cependant que ce processus de consultation ait pris la forme d’une validation du format pré-pensé par France Stratégie plutôt qu’une réelle élaboration démocratique. Il lui a semblé qu’une telle construction commune était plus intéressante qu’un débat feutré entre experts et aurait pu justifier plus de temps. Au contraire, M. Le Clézio se réjouit de constater que la concertation avec les citoyens lors des différentes phases a convergé vers les mêmes conclusions que France Stratégie.

** Les 10 indicateurs proposés au gouvernement **

Ce travail a abouti aux dix thèmes et indicateurs associés suivants :

Parmi ces dix indicateurs, M. Aussilloux se réjouit de remarquer que six ont été repris à l’identique ou légèrement nuancés par le gouvernement ; il cite notamment l’exemple de l’écart de revenus : la concertation avait abouti à une proposition d’un ratio du revenu des 10% les français aux revenus les plus hauts sur les 10% aux plus faibles, le gouvernement a retenu une part de 20%. En revanche, d’autres ont été modifiés : l’indicateur d’abondance des oiseaux spécifiques a été remplacé par le taux d’artificialisation des sols, par exemple. Toutefois, M. Aussilloux a remarqué que ces modifications sont intervenues sur des points qui avaient aussi beaucoup été débattus au cours de l’élaboration commune.Ce résultat est cependant l’aboutissement d’un compromis et des débats subsistent : Mme Jany-Catrice aurait par exemple préféré un indicateur de taux de chômage plutôt qu’un taux d’emploi et regrette l’absence d’un indicateur concernant l’eau et la mer.

** Challenges à relever pour le futur de ces indicateurs **

  • Il a paru nécessaire à tous les intervenants que les citoyens s’emparent plus largement de cette problématique d’indicateurs d’évaluation de la politique publique. M. Frémeaux a soulevé la question de la résonnance médiatique qui est donnée à cette loi : elle a seulement fait l’objet d’articles dans les quotidiens Le Monde et Alternatives économiques, qui s’adressent tous deux à un public relativement restreint. M. Aussilloux a noté que ce faible écho a peut-être été dû à une publication simultanée à la publication budgétaire.
  • Ce choix d’indicateurs doit rester stable dans le temps pour pouvoir permettre une évaluation sur le long terme, cependant M. Le Clézio n’écarte pas la possibilité de les revoir dans quelques années, Mme Rabin va même plus loin en imaginant qu’ils pourraient être bien plus évolutifs.
  • Mme Jany-Catrice souligne le fait que ces indicateurs ne sont pas univoques et devraient être accompagnés d’une analyse interprétative.
  • Mme Sas aimerait que deux ou trois indicateurs soient mis plus en avant, permettant une meilleure communication dans les médias, pour avoir plus e chances de concurrencer l’utilisation du PIB, encore omniprésent.
  • Aussilloux a insisté sur le fait que ces travaux doivent ouvrir la voie à l’élaboration de modèles permettant de mesurer l’impact des politiques publiques sur ces indicateurs et des équipes de chercheurs devront être incitées à travailler dans ce sens.
  • Mme Rabin a relevé avec regrets les railleries de nombreux députés lorsqu’elle a eu l’occasion d’aborder dans l’hémicycle l’évaluation de projets de loi grâce à ces nouveaux indicateurs.

Quelques ressources pour en savoir plus :

Texte de loi n° 2015-411 du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques

THIRY Géraldine, GUERET Adeline, « De nouvelle finalités pour l’économie – L’enjeu des nouveaux indicateurs de richesse », octobre 2015.

AUSSILLOUX Vincent, CHARRIE Julia, JEANNENEY Matthieu, MARGUERIT David, PLOUX-CHILLES Adélaïde. Au-delà du PIB, un tableau de bord pour la France. France Stratégie - La note d’analyse, numéro 32, juin 2015.

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